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UN MONDE D'AVANCE - SECTION LEON BLUM
20 novembre 2009

MARIANNE LOUIS : GRAND PARI(S) ? SARKO PREFERE LE GROS GATEAU !

Si un grand débat a eu lieu, c’est bien celui du Grand Pari(s). Ne nous y trompons pas, le projet de loi que présentera Christian Blanc, secrétaire d’État chargé du Développement de la région capitale, le 24 novembre devant l’Assemblée nationale est loin, très loin d’en être le "débouché " Au contraire, il a tordu le cou à tout ce que le bouillonnement francilien a produit de conscience partagée et de solidarité.

Tout avait commencé bien avant les envolées du Président de la République sur l’avenir de la Région capitale, avec le travail de fond sur l’avenir de l’Ile-de-France engagé par la Région dans la préparation du SDRIF (Schéma Directeur de la Région Ile de France), et l’initiative de Paris et de sa petite couronne maintenant élargie à plus de 200 collectivités, de créer "Paris Métropole", un syndicat mixte intercommunal d’études en matière de politique du logement, de développement de l’attractivité économique, de solidarité financière entre les communes.

Un peu "largué" dans ce mouvement porté par les collectivités territoriales, le président de la République s’est empressé de "revenir" dans le débat en ouvrant le temps des architectes : 10 équipes internationales, le haut patronage du Ministère de la Culture, une exposition iconoclaste à la cité Chaillot.

Libres de s’exprimer enfin sur le développement inégal de la métropole, à l’heure de Kyoto, les 10 équipes d’architectes, d’urbanistes, de sociologues, de paysagistes, ont pris le parti de la parole libre, pour permettre à tous l’ "accès aux mêmes bonheurs urbains" et "réduire de 2 degrés la température et lutter contre le réchauffement climatique en plantant deux millions d’arbres". Tout y est : améliorer les transports domicile-travail, désenclaver les ghettos, faire du beau partout, penser l’avenir environnemental, lutter contre la spéculation qui chasse les salariés toujours plus loin des centres urbains, renforcer les équipements publics culturels…. L’exposition a connu un succès populaire : plus de 200 000 visiteurs se sont pressés pour découvrir ces 10 futurs à 2050 de la métropole, les critiquer, les commenter et prolonger ainsi les débats du SDRIF. Dans le même temps, la Région et les départements franciliens élaboraient avec le STIF un plan de mobilisation pour les transports — mise à niveau, nouvelles lignes de trams en banlieue, ponctualité… —, auquel, à ce jour, l’État n’a toujours pas décidé de contribuer.

Le grand débat dessinait un avenir partagé, encore confus mais aux antipodes des ambitions sarkozystes. Plus personne sauf la clique présidentielle ne voulait voir se multiplier les expériences "nanterrienes" menées par l’EPAD pour l’extension de La Défense : pas de ville, pas d’espace public… "Une simple logique d’extension des tours de bureaux, la mise en place d’un personnel politique vassal en l’absence de tout portage citoyen. L’extension de la Défense sur Nanterre n’est pas une réponse à la crise économique et sociale, ni à la crise écologique et climatique, ni au rééquilibrage de la métropole francilienne, ni au déficit démocratique." (Gérard Perreau- Bezouille - Premier Adjoint de Nanterre).

Pourtant, en se fixant comme but ultime d’ "unir les zones attractives de la capitale" le projet Grand Paris de Christian Blanc, reproduira les mêmes travers. De l’impasse écologique au déni démocratique, en passant par l’injustice sociale, tout y est même les milliards de la spéculation foncière.

C’est un travail d’équipe que mène le clan Sarkozy : tandis que le Président charcute les modes de scrutins, les compétences des collectivités locales, le premier ministre assèche leurs finances locales avec la réforme de la TP et Christian Blanc propose la création d’une "Société du Grand Paris" chargée de réaliser un métro automatique souterrain de 130 km de long desservant une quarantaine de gares le long de futurs pôles de spécialisation économique, en interconnexion avec les aéroports franciliens et les gares TGV, financée de façon toujours incomplète par les « droits d’entrées des collectivités locales » qui devraient "payer" pour avoir la possibilité de siéger au conseil de surveillance, et par les plus values attendues de la spéculation foncière. En effet, la société du Grand Paris se verrait confier des pouvoirs d’expropriations foncières dans un périmètre conséquent autour des futures gares pour réaliser des plus-values sur la valorisation des terrains, induite par leur proximité avec une nouvelle gare. Outre le fait que cette vision du « champ de patates» qui devient aussi rentable que la rue de la Paix pour peu qu’on y implante avec 3 hôtels et les 4 gares, est largement dépassée, il est maintenant évident que ce Grand Paris-là ne résoudra pas les problèmes rencontrés quotidiennement par les habitants de la Métropole qui veulent plus de logements, des transports et des équipements autour de chez eux. En reliant deux quartiers d’affaires entre eux, on ne résout rien de l’enfer des déplacements domicile-travail. Si en Ile-de-France, 19 % des Français produisent 30 % de la valeur ajoutée nationale, c’est au prix d’un «temps harassant » et de la plus forte consommation nationale de neuroleptiques (Le Grand Paris pour tous. Paul Chemetov – Regards n°62, mai-juin 2009). Pas plus la qualité de vie des franciliens que l’enjeu environnemental ne touchent Christian Blanc.

Et la vacuité du projet ne s’arrête pas là. Même sur son prétendu "cœur de cible" l’attractivité économique, il est maintenant largement contesté. L’attractivité de « ghetto » portée par la juxtaposition des "allées" hyperspécialisées et isolées les-unes des autres — ici l’optique, là l’image numérique, là-bas la biologie moléculaire —, priverait la métropole "d’interfaces". Aujourd’hui de nombreux économistes en appellent a contrario à une attractivité de "synthèses créatives".

Alors pourquoi un projet qui ne répond pas aux besoins de Franciliens, qui n’est pas porté par les élus locaux de droite et dont les qualités en terme de développement économique et de création réelle de richesses ? Par entêtement et aveuglement sans doute. Mais au détour, on ne peut aussi manquer de pointer que si un tel dispositif se mettait en place, combiné aux récentes évolutions de "transfert" du patrimoine du STIF vers la RATP (qui a déjà créé plusieurs filiales pour intervenir sur des marchés concurrentiels ou qui sortent de sa mission de service public), il pourrait constituer un jalon important dans la privatisation des transports franciliens, ou en tout cas de leur partie la plus rentable. Ainsi la société industrielle et commerciale qui porterait le Grand 8 pourrait bénéficier de garanties et d’emprunts publics et pourrait ensuite être mise en bourse et cédée à des groupes industriels (comme tant d’autres entreprises depuis le début du quinquennat : GDF pour Suez, EDF pour Veolia,...)

Et nous voilà bien loin de la métropole durable, mais tellement plus près de ce dont Sarkozy est capable.


Source : Marianne Louis, Conseillère régionale Ile-de-France, Secrétaire nationale à la Politique de la Ville, Bulletin de Liaison Un Monde d'Avance, BLUMA, n°28, 20 novembre 2009.

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