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UN MONDE D'AVANCE - SECTION LEON BLUM
27 avril 2010

CONSEIL NATIONAL : INTERVENTION DE BENOIT HAMON

Mes chers camarades, je vais commencer par remercier Pierre Moscovici pour le travail qui a été le sien, qui n’était pas forcément si simple que cela au départ, parce que c’est le premier véritable travail collectif de fond, intellectuel auquel nous nous consacrons depuis notre dernier congrès. Ce travail nous a mené, pour commencer, à tirer les leçons de la crise et à essayer d’en tirer les conséquences en termes de stratégie politique. Nous ne sommes pas rentrés dans le détail des propositions, en termes de stratégie politique et notamment en termes de stratégie économique. J’y reviendrai.

                                      

Je veux remercier les rapporteurs et ceux qui ont fait mieux que tenir la plume et apporté leur propre talent à cet exercice. C’est grâce à eux notamment que nous sommes parvenus à avoir un texte qui soit à la fois fort politiquement, mais de surcroît parfaitement lisible, ce qui n’est pas rien.

 

Un mot tout de suite pour réagir aux interventions d’Alain Bergougnioux et de Pierre Moscovici. Nous sommes toujours, mais peut-être parce que nous sommes prudents, tentés d’évoquer ce qu’étaient nos divisions récentes. Tu l’as dit, Pierre, en quelques mots. Alain a évoqué ce démon socialiste masochiste, qui veut qu’on passe plus de temps à se critiquer à l’extérieur qu’à essayer de se consacrer loyalement à la délibération collective.

 

Cela étant dit, et je veux remercier le travail de Martine et de la direction autour d’elle, quel contraste aujourd’hui entre le Parti socialiste il y a un an, celui dans lequel nous militons et vivons, et la situation de la droite.

 

Parlons d’un mot de la droite, qui aujourd’hui ne gouverne plus la France mais l’empoisonne par ses obsessions maladives, à vouloir systématiquement chercher des boucs émissaires à ses propres turpitudes et à ses propres échecs. Mais, une droite également -et je vous invite à réclamer la clarté sur ce sujet, je pense à l’affaire des sous-marins, à cette affaire de Karachi- vis-à-vis de laquelle il faudra faire la clarté sur les conditions dans lesquelles elle a, ou pas, financé par des rétro commissions la campagne électorale d’Édouard Balladur, au point que le trésorier de cette campagne se dise lui-même troublé par le fait qu’il apprenne aujourd’hui qu’ont été versés 10 millions de francs en liquide.

 

"C’est le résultat des collectes dans les meetings d’Édouard Balladur". Je veux bien, que cela paye cher un militant du RPR dans les meetings d’Édouard Balladur, mais que ce soit forcément en coupures de 500, que ça arrive à 10 millions, chiffre tout rond, tout cela nous interpelle.

 

Pour revenir en un mot à ce sujet sérieux : il faut que le secret soit bien lourd, bien lourd, pour que cela justifie que l’état ne déclassifie pas totalement les documents que lui demande la justice et le juge Marc Trévidic pour faire la lumière sur la mort de onze de nos compatriotes à Karachi. Je demande au gouvernement, s’il est si adepte de la transparence, qu’il fasse la transparence sur ce sujet. Je ferme la parenthèse.

 

Nous essayons donc, dans ce texte, de tirer des leçons de la crise. Et je veux le dire, nous l’avons fait sans chercher à nous faire plaisir, mais sans chercher non plus à nous faire mal pour faire plaisir à d’autres ; d’autres qui disent où écrivent ce qu’est une "bonne et raisonnable politique de gauche", qui votent à droite, mais disent et écrivent ce qu’est une "bonne et raisonnable politique de gauche".

 

Nous n’avons pas cherché à leur faire plaisir à eux, pour être crédibles par rapport à eux. Nous avons cherché des solutions. Il y a en face de nous des problèmes et ces problèmes sont lourds. Nous nous sommes mobilisés pour trouver des solutions.

 

Dans ce travail, nous avons regardé objectivement la situation de notre société. Pas pour essayer d’y échapper, mais pour essayer de repousser le plus possible le champ des contraintes et ouvrir le plus possible le champ du possible, donc le champ de la politique. C’est le choix que nous avons fait dans cette Convention et dans la préparation de ce texte, et qui vaut que nous le soutenions pleinement aujourd’hui. Nous avons regardé la situation de l’Europe, tragique exemple que celui de l’Europe aujourd’hui face à la crise, qui a regardé les banques fabriquer une crise, ces mêmes banques provoquer la ruine de certains états, et ces mêmes banques aujourd’hui spéculer sur la ruine de ces derniers.

 

Et ce sont toujours ces banques aujourd’hui qui, parce qu’elles détiennent l’essentiel de la dette grecque, appellent la puissance publique européenne, les états européens et le FMI, à mettre en œuvre un plan de solidarité pour éviter que la Grèce ne fasse défaut et que ces banques se retrouvent "Grosjean comme devant". Elles ont gagné à chaque fois. Vis-à-vis de cela, il fallait poser des actes politiques. C’est ce que nous avons essayé de dire et de faire, et je crois que la force de ce texte est qu’il dit qu’il n’y aura pas de politique de gauche, qu’il n’y aura pas de changement possible, à politiques commerciales constantes, à politiques monétaires constantes, à politiques économiques constantes. Il le dit, et il intègre le champ des contraintes. La politique commerciale, c’est l’Europe. Que pouvons-nous faire pour lutter contre les délocalisations ? Que pouvons-nous faire pour lutter contre la mise sous pression de notre modèle social lié à la mise en concurrence des systèmes sociaux, à la concurrence fiscale et à l’ouverture des marchés ?

 

Nous y répondons par des solutions pragmatiques. D’abord, exiger de nos partenaires et rivaux commerciaux -parce que ce sont un jour des partenaires, d’autres jours des rivaux- la réciprocité dans les règles du jeu. Exiger par ailleurs que soit mis en place pour protéger les intérêts de l’Europe dans cette compétition aux frontières de l’Union européenne des contributions sociales et environnementales, dans une logique constructive, dans une logique altruiste, et non pas protectionniste.

 

Voilà le choix pragmatique que nous invitons l’Europe à mettre en œuvre, lucidement, sachant que les rapports de forces ne sont pas forcément favorables à ces solutions. Mais parions aujourd’hui que si nous nous taisons sur ce sujet, nous serons certain d’une chose, c’est qu’au bout du compte, nous constaterons que les délocalisations se multiplieront, que les plans sociaux se multiplieront, et qu’au bout du compte, nous aurons abandonné le terrain sans combattre.

 

Pas de politique monétaire constante. Cela veut dire quoi ? Qui est en charge de la politique monétaire ? La Banque centrale européenne et un petit peu le Conseil. Ce sont les traités qui le disent. Nous disons qu’il faudra avoir une politique monétaire qui ne fasse pas en sorte qu’on ait aujourd’hui une monnaie surévaluée par rapport à celle de nos partenaires, mais surtout que les orientations de change soient strictement réservées à la Banque centrale européenne. Bref, avoir des choix de politique monétaire, donner un rôle à la Banque centrale européenne, notamment par rapport aux pays qui sont des pays en situation de crise importante, pouvoir faire appel à cette Banque centrale européenne comme un moyen d’organiser la solidarité dans la zone euro.

 

Enfin, pas de politique économique constante. Il est clair qu’aujourd’hui, là encore, l’Europe a une responsabilité éminente. Pierre a évoqué la dette. Je ne suis pas un fétichiste de la dette, mais je suis heureux que notre texte, là encore, sur ces questions-là, dise les choses simplement : Nous, Socialistes, avons toujours été favorables à des politiques contracycliques. Cela veut dire quoi ? Cela veut dire que quand la crise est là, quand il y a récession, quand la consommation intérieure ne peut pas être alimentée par les salaires, c’est souvent à la puissance publique qu’il revient de prendre le relais.

 

Et à ce moment-là, souvent, les déficits se creusent. Mais quand cela va mieux, quand il y a de la croissance, la responsabilité des pouvoirs publics est d’affecter les résultats de cette croissance, le surplus de recettes, à la réduction de la dette. Voilà ce qu’est une politique contracyclique, pragmatique qui ne fasse pas de cette question-là une forme de fétiche qui détermine si oui ou non, demain, on fera une politique sous les auspices sévères de la Commission européenne ou si nous écouterons la Commission européenne, mais dirons aussi qu’il y a des priorités qui sont des priorités de relance. Nous serons d’autant plus légitimes à revendiquer ces priorités en termes de relance économique que l’Europe, elle, n’a pas mis en place le programme coordonné de relance économique que nous attendions d’elle.

 

Voilà les terrains sur lesquels nous avons essayé d’avancer. Ils sont très nombreux par ailleurs. Je suis heureux que dans le domaine de la régulation financière, le Parti socialiste dise aujourd’hui que nous sommes favorables à la réduction de la taille des établissements bancaires, mais aussi à la séparation entre ce qui relève de la banque de détail et de la banque d’affaires. Bref, que demain les banques ne puissent pas réaliser des profits, des profits pour comptes propres, avec l’argent des épargnants. Une question centrale qui apparaîtra pleine de bon sens, mais qui ne l’était pas jusqu’ici pour la plupart de celles et ceux qui s’intéressaient à ces questions.

 

Nous avançons, et la bonne nouvelle, je vais vous le dire, à mes yeux, c’est que je pense, que ce texte va faire réagir. Et, la bonne nouvelle, je te le dis, Martine, c’est que cela fait longtemps qu’un texte du Parti socialiste n’aura pas fait autant réagir. Ce qui fait réagir d’habitude,à l’extérieur, c’est ce que nous racontons, pas ce que nous écrivons. Je suis heureux, et j’ai commencé à le lire ici ou là, que ce texte ne plaise pas à tout le monde. Je ne parle pas à l’intérieur du parti, je pense à l’extérieur du parti, à ces gens qui adorent tant qu’on se fasse mal en étant autre chose que nous-mêmes.

Source : Conseil national du Parti socialiste, 27 avril 2010.

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