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UN MONDE D'AVANCE - SECTION LEON BLUM
3 janvier 2013

LIEM HOANG-NGOC : "Il FAUT REORIENTER LES POLITIQUES DE L'UNION ET L'ARCHITECTURE DE LA ZONE EURO"

LIEMBLUMA : Beaucoup appellent de leurs vœux la mise en place d’une Europe plus forte, plus démocratique et plus solidaire, mais par où faut-il commencer pour mettre réellement en œuvre cette Europe ?

Liêm Hoang Ngoc : La victoire de la gauche en France a rouvert le débat. Un compromis semble se dégager entre les chefs d’Etats et de gouvernement, le Parlement Européen et la Commission sur un calendrier bien précis des mesures à prendre d’ici à la fin de la décennie. L’union bancaire d’abord, en commençant par la mise en place d’un superviseur unique pour les banques de la zone euro. L’union économique ensuite, à travers laquelle les mécanismes de coordination de la discipline budgétaire existant doivent être complétés par des mesures en faveur de la croissance et l’emploi. Ceux-ci seraient suivis par l’union budgétaire fondée sur un vrai budget fédéral pour la zone euro. Enfin, l’Union politique pour assurer un fonctionnement démocratique de l’Union.

Au Parlement européen, les socialistes européens ont réussi à convaincre les conservateurs et les libéraux d’ajouter à cette feuille de route l’union sociale, pour garantir une convergence vers le haut des économies européennes. Reste à convaincre le Conseil Européen. Il faut commencer par un plan européen pour lutter contre le chômage des jeunes.

Ce séquençage n’est pas idéal. Nous nous battons pour qu’un revenu minimum européen, la taxe sur les transactions financières et les euro-obligations soient mis en œuvre sans tarder. Nous regrettons également que le chantier de l’harmonisation fiscale prenne tant de retard. Nous nous inquiétons des difficultés à parvenir à un accord ambitieux sur le budget européen. Elles compromettent l’avènement rapide d’un fédéralisme budgétaire européen.

BLUMA : Où sont aujourd’hui les blocages qui empêchent d’aller plus loin dans l’union économique et monétaire ? Peut-on les surmonter ?

LHN : Il nous faut composer avec une majorité de chefs d’Etats et de gouvernements issue des rangs de la droite, et qui, par ailleurs, semblent davantage préoccupés par leurs intérêts nationaux que par l’intérêt commun de l’Europe. Par ailleurs, la Commission sous l’égide de José Manuel Barroso est très faible, tandis que le Parlement est souvent ignoré par les Etats. En réalité, ce sont les arrangements entre ces derniers au Conseil, où l’influence de l’Allemagne est prédominante, qui restent décisifs. Les Peuples européens sont pour leur part désabusés – à juste titre – par le manque d’avancées sociales d’une construction européenne qu’ils assimilent désormais aux politiques d’austérité.

Dans ce contexte, les socialistes européens, qui militent en faveur d’un fédéralisme progressiste, ont une responsabilité particulière. A chaque étape, ils doivent s’assurer que des mesures concrètes rééquilibrent les politiques européennes en faveur de l’emploi, du développement durable et de la préservation du modèle social. Enfin, nous devons nous assurer que chaque transfert de souveraineté soit couplé à un transfert de légitimité démocratique correspondant.

BLUMA : Ne faut-il pas un nouveau traité qui change la logique initiale libérale et permette l’émergence d’une vraie démocratie européenne ? 

LHN : Il faut réorienter les politiques de l’Union qui organisent malheureusement le désengagement de la puissance publique. Il faut améliorer l’architecture de la zone euro, dans laquelle le pilier monétaire doit être complété par des piliers budgétaire et social. L’Europe ne peut se priver de politique budgétaire et d’instruments de redistribution. Elle doit se doter des moyens nécessaires pour encadrer le libre-échange. Des institutions démocratiques, dotées des ressources et des mandats nécessaires doivent émerger pour mettre en œuvre cette vision.

A court terme, il faut faire bouger les lignes dans le cadre des traités actuels. Un exemple : le Pacte de Stabilité et de Croissance est une aberration.  Il inclut néanmoins la notion de « circonstances exceptionnelles »  qui pourrait être invoquée pour renégocier le calendrier de réduction des déficits. Autrement, on s’interdirait de mener des politiques volontaristes contre la récession et le chômage.

A long terme, un nouveau traité sera nécessaire, ne serait-ce que pour élargir le champ de la codécision – autrement dit, changer le rapport de force entre le Parlement et le Conseil européen. Mais cela nécessite d’abord que l’Europe regagne la confiance de ses citoyens. Un premier test interviendra aux prochaines élections européennes de 2014. Les socialistes européens doivent faire campagne pour faire sauter le verrou conservateur qui enferme les politiques économiques et sociales. Il est enfin souhaitable que le prochain Parlement ait mandat de mettre sur pied une Convention préparant la rédaction du prochain traité.

Source : BLUMA, Décembre 2012. Liem HOANG-NGOC est député européen, rapporteur pour le Groupe Socialistes et Démocrates sur la feuille de route pour l'avenir de la Zone Euro.

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